Dès son pilote en 2018, j’ai senti que quelque chose me plaisait dans cette série. Avec son pitch, ses acteurs et personnages et son ambiance, j’ai vite accroché à ce mélange des genres qui peut passer d’une scène à l’autre entre des moments drôles (allant parfois jusqu’à l’absurde), des moments dramatiques et des scènes d’action à la violence débridée. Après 4 saisons et 32 épisodes, le rideau est tombé cette année sur la série et l’on peut donc apprécier dans son intégralité l’histoire de Barry Berkman. Et ce n’est pas simple de donner un avis concis …
La série est partiellement visible sur BeTV en Belgique (et est disponible sur OCS ou sur Prime Video avec le Pass Warner en France)
Présentation
Barry Berkman (interprété par Bill Hader, également créateur de la série et réalisateur et/ou scénariste de plusieurs épisodes) est un ancien militaire, vétéran de la guerre d’Afghanistan, à tendance dépressive qui travaille comme tueur à gages depuis qu’il a quitté l’armée en accomplissant ces missions pour le compte de son « ami » Monroe Fuches (Stephen Root).
Le pilote nous montre Barry devant accomplir un nouveau contrat : aller à Los Angeles à la demande d’un caïd tchétchène pour éliminer l’amant de la femme de ce dernier. Et c’est en suivant l’amant en question que Barry va se retrouver dans un cours de théâtre où il devra, suite à plusieurs quiproquos, jouer une scène devant tous les élèves présents et leur professeur de théâtre, le has-been Gene Cousineau (Henry Winkler). C’est une révélation pour lui : il veut devenir acteur !
C’est le début d’une histoire aux rebondissements multiples qui verra Barry se rapprocher de Sally Reed (Sarah Goldberg), une actrice en devenir et talentueuse ayant des problèmes de confiance en elle, mais il deviendra également un proche de NoHo Hank (Anthony Carrigan), l’homme à tout faire de la mafia tchétchène. Il croisera la route de bien d’autres personnes avec un but qui lui semble clair : laisser derrière lui son passé de tueur, une chose bien plus facile à dire qu’à faire.
Critique
Dans cette partie sans spoilers, je vais donner un avis général sans trop parler de l’histoire en elle-même. Je reviendrai dans la partie spoilers sur certains événements importants.
Barry mélange savamment humour, parfois macabre, et histoires criminelles tout en réussissant avec succès à donner de la vie et de l’épaisseur à ses personnages principaux.
Qu’on apprécie ou pas ce qu’on leur fait jouer, il faut reconnaître que les acteurs font tous un boulot fantastique.
Bill Hader incarne parfaitement Barry, ce tueur un peu perdu qui en voulant prendre enfin le contrôle de sa vie se retrouve bien plus souvent embarqué contre son grès dans des péripéties au bout desquelles il pense voir enfin le bout du tunnel. Son côté clown blanc dans les moments plus drôles fonctionne à merveille et s’il porte la série ses épaules, c’est une mission qui est réussie du début à la fin. On ne peut que s’attacher à ce personnage et avoir envie de savoir ce qui lui arrive.
Mais le personnage que j’ai le plus envie de mettre en avant, pour un tas de raisons, c’est NoHo Hank. Bras droit du caïd tchétchène local au début de la série, il est à la fois le comic-relief qui vient apporter une dose de loufoque dans des situations au fond parfois très sérieux mais aussi un personnage central qui évolue beaucoup, toujours coincé entre l’image qu’il veut donner de lui et montrer au monde extérieur et ce qu’il est vraiment. Capable du meilleur comme du pire, c’est un personnage attachant qui devient très vite bien plus profond que ce qu’il montre au début.
Gene Cousineau est évidemment central dans toute cette histoire. Il devient assez vite une figure paternelle d’adoption pour Barry tandis qu’il voit dans ce dernier un talent brut qu’il peut former. Si on comprend très vite que Gene garde un côté très narcissique et que s’il souhaite que ses élèves réussissent c’est aussi pour que les lumières soient à nouveau braquées sur lui, le personnage va aussi grandir au fil des péripéties en étant toujours incarné de manière très juste par un très bon Henry Winkler, bien loin du rôle de Fonzie dans Happy Days !
Stephen Root a la lourde tâche d’incarner le manipulateur et lâche Monroe Fuches. C’est lui qui a mis Barry sur la voie du crime organisé à sa sortie de l’armée et c’est clairement dans son intérêt personnel. C’est sa détermination à ne pas vouloir perdre sa poule aux œufs d’or qui va amener tant d’obstacles sur la route de Barry. S’il devait avoir un « rôle cliché » de série, ça serait celui du personnage qui pense être bien plus malin que la moyenne mais qui va systématiquement voir les choses se retourner contre lui.
Et je vais conclure le tour des personnages centraux de l’intrigue par Sally Reed. Du côté positif, je ne peux que saluer la prestation de Sarah Goldberg, qui joue parfaitement ce qu’on lui demande de jouer. Mais du côté négatif, c’est le personnage auquel je me suis le moins attaché de toute la série. Elle représente le personnage narcissique qui cherche à gagner gloire et fortune mais qui prend régulièrement des décisions autodestructrices et parfois contradictoires qui font que je n’ai pas réussi à avoir beaucoup d’empathie pour elle. Elle reste un personnage très riche et profond qui est bien plus qu’un love interest pour Barry et qui possède aussi sa propre évolution mais il y a un je-ne-sais-quoi qui fait que j’ai eu moins d’empathie pour elle et ses mésaventures.
La série a pu compter sur de nombreux scénaristes de talent pour nous donner une série aux petits oignons. Car s’il y a des choses sur lesquelles on peut parfois moins adhérer au niveau de l’histoire, il faut reconnaître qu’elle est systématiquement très bien écrite. Capable de passer en quelques instants d’un échange entre 2 personnages, à une scène d’action survoltée puis à une touche d’humour, la série semble ne jamais vouloir se reposer et veut toujours passer d’un événement à un autre avec un rythme global plutôt effréné, même dans ses moments les plus lents.
La première saison est une excellente introduction et sa conclusion relance une intrigue qui semblait pouvoir s’arrêter là. La seconde saison est de mon point de vue le pinacle de la série, le moment où tout semble lui réussir et elle réussit à explorer intelligemment l’évolution de tous les personnages principaux. Elle est suivie d’une troisième presque aussi réussie, qui réussit encore à parfaitement être en équilibre entre l’humour noir, l’histoire criminelle et les vies quotidiennes de nos personnages. Et si la quatrième et dernière saison reste un bijou d’écriture, elle est malheureusement un peu moins plaisante à suivre et on en vient à se demander si certaines parties n’auraient pas mérité plus de mise en place pour offrir un final parfait. J’en parle plus en détail dans la partie Spoilers.
Mais en plus d’avoir un casting de qualité et de leur offrir des rôles intéressants, Barry montre la maestria de ses réalisateurs, en particulier Bill Hader, réalisateur (ou co-réalisateur) de 18 épisodes, soit plus de la moitié de la série. Que ça soit lors des scènes d’actions qui peuvent parfois même aller jusqu’à mêler la tension de l’affrontement à l’absurde de certaines situations, lors des dialogues ou lors des scènes d’exposition, il y a toujours un travail de qualité et une recherche pour donner des plans superbes.
C’est finalement une série assez unique, d’une qualité de jeu et de réalisation exemplaire, et qui réussit à parfaitement mélanger dans son intrigue un côté drôle et décalé même se elle laisse de plus en plus la noirceur se mettre en place au fil du temps.
! Attention ! Spoilers !
Parlons des choses sérieuses et parlons ouvertement de la série
La première saison est celle où Barry va essayer de laisser derrière lui sa vie de criminel. Mais dur de s’en défaire avec un Fuches qui ne veut pas perdre celui qui lui fait gagner tant d’argent et avec les péripéties causées surtout par NoHo Hank.
En plus de suivre un Barry en quête de rédemption, cette première saison pose aussi l’intrigue qui sera la base du grand fil rouge de la série entière : l’enquête de la détective Janine Moss, qui l’amènera à commencer une relation avec Cousineau mais qui la mènera à faire le lien bien plus tard avec le passé de Barry qui sera obligé de la tuer, jurant que c’est la dernière fois.
Cette saison est presque parfaite pour placer les personnages et lancer les différentes intrigues. On s’attache à eux et on en arrive presque à croire à une certaine happy end avant la révélation de fin du dernier épisode qui va amener cette froide conclusion et qui sera, mais on le ne sait pas encore, l’élément central de tout le reste de la série.
La seconde saison est celle de la rédemption. S’il n’arrive pas à couper les ponts totalement avec le monde criminel, Barry réussit jusqu’au dernier épisode à tenir sa promesse de ne plus tuer personne (même si on peut argumenter qu’il est tout de même complice de pas mal de méfaits). C’est Fuches qui mettra le feu aux poudres en faisant découvrir à Cousineau l’endroit où le corps de Janine est caché et en lui disant que Barry en est le responsable. C’est l’événement qui va faire que Barry, de rage, va éliminer à lui seul presque tous les criminels tchétchènes, boliviens et birmans qui étaient dans un monastère sans réussir à avoir Fuches.
Il est aussi intéressant de montrer le contraste entre la première scène où l’on voit Barry dans cette saison, quittant la noirceur des coulisses pour se retrouver sur une scène illuminée, et sa dernière scène qui le voit entrer dans un couloir aux lumières clignotantes avant de toutes s’éteindre le laissant dans le noir total, symbolisant qu’il a plongé à nouveau dans ce qu’il ne voulait plus être et qu’au fond il n’arrive pas à contrôler le « démon » qui est en lui.
On suit ensuite une troisième saison où les choses commencent à mal tourner. Barry jongle à nouveau entre des contrats d’assassinat pris sur Internet et des auditions pour divers rôles, il ira jusqu’à menacer la famille de Cousineau pour que celui-ci ne dise rien.
La saison sera celle des tensions qui montent que ça soit du côté artistique mais aussi du côté criminel et elle culminera sur un piège tendu par Cousineau qui amènera Barry, voulant toujours protéger à sa manière son mentor, à se faire arrêter.
Cette saison est remarquable de mon point de vue pour l’un des moments les plus marquants de la série avec la longue poursuite dans l’épisode « 710N », une scène d’action sans musique mais où le rythme reste effréné tout le long et qui est un véritable exemple de moment d’action bien écrit et bien réalisé.
La dernière saison est celle où tout part dans tous les sens. Une saison qui reste en demi-teinte pour moi avec une première partie en prison où les histoires entre Barry et Fuches semblent passer trop vite d’un extrême à l’autre et 4 derniers épisodes qui nous envoient 8 ans plus tard pour une conclusion froide.
La série avançait au fil du temps en gardant le côté comédie macabre, où l’humour noir dominait, et si au fil des saisons, cet humour a commencé à être parfois moins central, il semblait toujours présent et offraient un moment de détente au spectateur entre les moments de tension, de tout genre. J’ai perdu dans cette saison le charme des précédentes et ce mélange entre les moments drôles et les moments plus sombres. Et puis arrivent ces derniers épisodes où Bill Hader veut aller au bout de ses idées et ira jusqu’à faire disparaitre totalement ces moments plus drôles pour à la place s’enfoncer de plus en plus dans des situations qui semblent ne pas pouvoir bien se terminer.
Et si l’on se doutait de plus en plus que la série n’allait pas nous proposer un bel Happy End, on reste choqué de voir Cousineau abattre froidement Barry dans une scène parfaitement réalisée avec ce coup de feu qui prend tout le monde par surprise alors que Barry acceptait de sacrifier sa vie de famille pour sauver son mentor. Un final qui laisse, volontairement, un goût amer en bouche et qui ne peut pas laisser indifférent.
L’épilogue de la série est une vraie conclusion ironique et macabre où Barry est vu par tous comme un véritable héros enterré avec tous les honneurs tandis que Cousineau se retrouve condamné à la perpétuité majoritairement pour des faits dont il est innocent.
Je me suis beaucoup attardé sur Barry, Fuches et Cousineau qui sont les éléments centraux de l’intrigue mais je m’en voudrais de ne pas faire un dernier paragraphe pour NoHo Hank, sans doute le personne que j’ai préféré après Barry dans la série, ce pseudo gangster qui se retrouve lui aussi à subir des événements qui vont l’empêcher de s’épanouir humainement comme il le voudrait en devant garder une façade « de criminel » allant jusqu’à être obligé de faire tuer l’homme de sa vie pour protéger son image. Un bel exemple du côté drôle mais sombre de la série.
Conclusion
La conclusion de Barry peut laisser un goût un peu amer mais n’est-ce pas là l’esprit de la série ? Selon ses affinités, chacun pourra un avis personnel sur ce qu’il aurait aimé voir de différent dans tel ou tel épisode ou à propos d’un personnage ou même certains auraient aimé avoir une fin différente.
Je fais partie des gens qui ont beaucoup apprécié la série dans son ensemble, les acteurs sont tous impeccables, les personnages sont diablement bien écrits mais surtout la série est une vraie réussite artistique. Que ça soit dans les choix de son montage, la mise en scène (en particulier les jeux d’ombres et lumières mais aussi les scènes d’action), sa musique (ou son absence parfois), son rythme, c’est un véritable coup de maître.
Alors, devez-vous regarder Barry ? Je conseillerai à ceux que les prémices rendent curieux de se pencher sur le début de la série, ensuite c’est l’attachement aux personnages qui fait le reste. Ce n’est clairement pas une série pour tout le monde mais ça reste une série qui marquera son temps. Il faut néanmoins reconnaître que la dernière saison, tout en gardant sa perfection dans l’écriture, le jeu et la mise-en-scène, est un cran en-dessous du reste et n’offre pas vraiment à la série le final qu’elle aurait peut-être pu mériter.