C’est vers 1991-1992 que j’ai découvert pour la première fois « Le Secret de l’île aux Singes » avec sa myriade de disquettes à installer sur le 386 familial. Un jeu qui m’a immédiatement marqué par sa bande sonore qui m’a cueilli au premier écran mais surtout par son univers et son humour presque dès la première phrase et qui m’a lancé dans cette grande aventure (bon soyons honnêtes, les premières fois, je n’ai pas quitté la première île … certaines énigmes n’étaient pas faciles à 7/8 ans).
Un véritable coup de foudre qui fait qu’aujourd’hui je considère « Monkey Island » comme l’une de mes franchises préférées , celle qui m’a fait tomber amoureux des « point & click » en général et m’a dirigé vers d’autres pépites telles que « Day of The Tentacle« .
Alors lorsque son créateur, Ron Gilbert, a annoncé en avril 2022 qu’il revenait pour faire un nouvel épisode, vous vous doutez que j’ai sauté de joie partout pendant quelques jours. Et moins de 6 mois après son annonce surprise, le jeu est déjà dans nos petites mimines … alors … heureux ?
Test a été réalisé sur PC sur un jeu acheté sur Steam
NB : Ce test a été largement écrit en septembre 2022 à la sortie du jeu mais n’a pu être finalisé qu’en janvier 2023 après une interruption bien trop longue. Sorry…
Présentation
Comment résumer la franchise et ce nouveau jeu en quelques lignes ? Longue de 4 volets « classiques » sortis entre 1990 et 2000 et d’une série épisodique chez Telltale en 2009, la série des Monkey Island nous fait suivre les aventures trépidantes de Guybrush Threepwood.
Le premier volet est créé sur une idée de Ron Gilbert, aidé de Dave Grossman et Tim Schafer, et nous présente notre protagoniste comme un jeune homme maladroit qui arrive sur l’île de Mêlée avec un seul but : Devenir un pirate ! On ne saura rien d’autre sur l’histoire de notre personnage, car seule compte sa quête ! C’est lors de cette première aventure que se mettront en place les autres éléments les plus importants de l’univers du jeu : le Gouverneur Elaine Marley dont Guybrush tombera éperdument amoureux mais aussi son « ennemi mortel », le pirate fantôme LeChuck qui a lui aussi le béguin pour Elaine mais aussi la mystérieuse Île aux Singes et son secret bien gardé.
Si les premières aventures (en 1990) de notre flibustier se finiront sur une Happy End plutôt classique, c’est le second volet (LeChuck’s Revenge, sorti en 1991) qui fera se creuser les méninges aux fans du jeu. Guybrush, devenu un « célèbre » pirate, cherche désormais le fabuleux trésor de « Big Whoop » ce qui l’amènera à croiser à nouveau le chemin de son ennemi mortel, revenu désormais en tant que pirate-zombie. Le jeu s’achève sur une fin cryptique (que je ne spoilerai pas ici) qui laissait tout le monde sur sa faim et qui ne connaîtra pas de vraie résolution suite au départ de Ron Gilbert de chez LucasArts.
The Curse of Monkey Island prendra la suite en 1997, avec un moteur graphique totalement remis au goût du jour et désormais avec des voix pour les personnages. L’histoire semble se situer après le second volet mais sans en résoudre le cliffhanger et se portera cette fois sur un diamant maudis que Guybrush offre à Elaine, transformant cette dernière en statue en or. Ce volet sera suivi 3 ans plus tard de Escape From Monkey Island qui verra le jeu tenter le passage à la 3D complète avec un succès critique plutôt correct. Mais beaucoup de joueurs jugeront ce 4ème volet bien en dessous des précédents avec une histoire plus brouillonne, un gameplay plutôt maladroit et des retournements de situation parfois incohérents par rapport au reste de la franchise. Il sera le vilain petit canard de la franchise et au vu de ses ventes moyennes et de la baisse de popularité générale des jeux d’aventure de ce type, LucasArt arrêtera la franchise et annulera même les autres jeux de ce type en cours de développement à l’époque (des suites à Full Throttle et Sam & Max).
Il faudra attendre 2009 pour voir revenir la franchise avec une version « remise à neuf » du premier volet mais surtout avec les Tales of Monkey Island, un jeu en 5 épisodes créé chez Telltale Games après le succès de leur nouvelle version de Sam & Max, où Guybrush devra à nouveau se sortir d’un pétrin dans lequel il est allé se jeter lui-même. S’en suivit encore un long hiatus (hormis une version actualisée du second volet en 2010) avant la divine année 2022.
Cette fois c’est Ron Gilbert, via son studio Terrible Toybox, et Dave Grossman qui reviennent ensemble aux commandes de la franchise !
Return to Monkey Island est disponible depuis le 19 septembre 2022 sur PC et Switch et depuis le 8 novembre 2022 sur PlayStation 5 et XBox Series S|X.
Test
« Parfois quand tout est calme, j’entends encore les singes… »
Après ce « petit » retour en arrière, il est enfin temps d’entrer dans le vif du sujet ! Return to Monkey Island signe donc le retour de la franchise après plus de 10 ans d’attente et 32 ans après le premier volet, pfiou, ça ne nous rajeunit pas ! Depuis 2021, la marque « Lucasfilm Games » a été relancée par Disney et nous avons là l’un des premiers (si ce n’est le premier ?) jeu à sortir officiellement sous ce nouveau label.
Dès l’annonce du projet, Ron Gilbert annonce ce que les fans voulaient entendre depuis 30 ans : le jeu reprendra là où s’était arrêté LeChuck’s Revenge et résoudra enfin le mystère de sa fin. Mais alors, est-ce « le vrai Monkey Island 3 » qui efface le reste de la franchise ? Pas du tout ! Si d’entrée une résolution de ce cliffhanger est donnée au joueur, le chapitre introductif nous fera vite comprendre que nous sommes bien dans une histoire qui se passe à la fin de la chronologie actuelle de la franchise. Il y a des allusions aux jeux qui ont été réalisés par d’autres équipes via des personnages qui reviennent (Murray par exemple) ou des morceaux d’histoire (le fait qu’Elaine et Guybrush soient mariés, …).
Mais, et Gilbert l’avait déjà dit lui-même, ce jeu n’est pas celui qu’il avait en tête il y a 30 ans quand il envisageait de donner un troisième volet à la franchise et les révélations faites en début de jeu n’auraient sans doute pas été les mêmes à l’époque. Ses envies narratives ne sont plus les mêmes et si les 2 premiers volets ont plutôt pour thème respectivement l’innocence et la fraicheur de la jeunesse pour le premier et la difficulté de créer une suite et de gérer son succès pour le second (ce qui correspondait à ce que vivait l’équipe lors de la création de ces 2 jeux). Tandis que ce 6ème volet se place plutôt sous le signe de la nostalgie et de l’envie de revivre le passé, des sujets placés en toile de fond d’une histoire tellement classique : les aventures d’un pirate maladroit.
« J’ai parlé à des singes qui étaient plus polis que toi » …
La première chose qui frappe aux yeux, c’est le nouveau style visuel choisi pour cet épisode. Un style qui n’a pas forcément plu à tout le monde lorsqu’il a été dévoilé et qui donne parfois un air un peu étrange sur des captures d’écran mais qui fonctionne à merveille une fois que tout est en mouvement. Le jeu offre une myriade d’animations que ça soit pour les personnages et leurs interactions mais aussi pour certains décors et objets qui rendent le tout parfois plus bien vivant et organique que ce qu’on peut voir dans certains jeux plus « photoréalistes ».
Malgré ce style différent, les personnages et lieux mythiques de la série sont immédiatement reconnaissables tandis que les nouveaux lieux à explorer profitent de cette patte graphique qui leur donnent immédiatement du charme. Car c’est là l’une des forces de la franchise depuis ses débuts, nous emmener dans des lieux divers et originaux qui peuvent aller de l’île qui semble vivre un gel éternel à l’île qui n’est qu’une énorme plantation de citronniers en passant bien entendu par la fameuse Île aux Singes.
Quand à l’ambiance musicale et sonore, elle est clairement digne de l’héritage de la série. Que ça soit les reprises d’anciens thèmes ou les musiques originales, tout est un régal pour les oreilles.
… « Je vois que tu as passé du temps chez tes parents »
Il n’y a pas grand chose de négatif à dire sur l’écriture du jeu. Au niveau de son histoire, on la vit avec grand plaisir, essayant de se rapprocher toujours de la découverte du fameux Secret de l’Île aux Singes. Les péripéties s’enchaînent dans le pur style des volets précédents en nous amenant aussi vers des situations cocasses si typiques de la série.
Mais la grande force de ce volet est la même que celle des volets originaux : ses dialogues. Gilbert et Grossman réussissent à faire passer toute sortes d’émotions et d’informations dans les différents dialogues de leurs personnages, anciens ou nouveaux, qui ont tous un petit quelque chose qui les distingue. Les discussions avec les autres personnages qu’on croise au fil de nos aventures sont toujours des moments où l’humour du jeu ressort le plus avec des réponses parfois loufoques, parfois hors de propos mais aussi parfois des réactions inattendues.
Ces dialogues sont encore plus mis en valeur par le doublage (uniquement en anglais à la sortie du jeu avec une version allemande ajoutée ensuite) qui a pu reprendre les voix déjà connues pour plusieurs personnages mais surtout Guybrush où Dominic Armato montre toute la qualité de son jeu d’acteur et de la vie qu’il arrive à donner à toutes les répliques, des plus sérieuses aux plus décalées.
Pour les moins anglophones, les textes écrits ont eu été entièrement traduits (y compris certains éléments de décor comme le nom sur les bâtiments) de fort belle manière pour garder l’esprit de la version originale. Un très beau boulot de Christophe Pallarès, à qui on doit aussi les excellentes VF de « The Darkside Detective », « Watch_Dogs » ou encore « Thimbleweed Park ».
« Derrière toi ! Un singe à trois têtes ! »
Au niveau du gameplay, on ne revient pas ici vers une série de verbes comme lors des tout premiers volets mais sur une interface plutôt simple où il est possible d’avoir 2 interactions en cliquant sur un objet ou un personnage avec le clic gauche ou le clic droit. Le premier est généralement l’interaction de base (parler avec la personne ou ouvrir une porte) et le second permet un autre type d’action (comme observer la personne ou l’objet).
Le but reste très souvent de trouver quoi dire à quel personnage ou de savoir quel objet (ou combinaison d’objets) lui apporter. L’inventaire n’est pas des plus clairs et le fait que parfois certains objets semblent s’y placer dans un ordre aléatoire n’aide pas à trouver ce que l’on cherche, en particulier quand il y a plusieurs objets semblables comme parfois avec les clés.
Au niveau des énigmes, le jeu propose à l’instar de certains volets précédents une double difficulté demandant au joueur de soit résoudre l’intégralité des énigmes du jeu ou d’avoir à faire à une version simplifiée où certaines étapes, parfois plus tirées par les cheveux, ne sont pas demandées. Leur complexité augmente un peu au fil de l’aventure mais on arrive jamais à des niveaux d’exigence aussi élevés que lors de certains jeux précédents, avec moins de combinaisons d’objet loufoques.
Et si certaines énigmes sont trop tordues pour certains joueurs, la « seule » nouveauté de cet épisode vous aidera : c’est un livre d’indices. Il permet d’obtenir des indices par rapport aux énigmes en cours de résolution par le joueur, permettant d’obtenir tout d’abord de petits indices permettant de se débloquer mais également d’aller jusqu’à avoir la résolution complète.
! Attention ! Spoilers !
Un petit paragraphe rapide pour parler de quelques détails plus liés à l’intrigue.
Tout d’abord, mention spéciale à l’introduction qui permet de donner « une suite » à la fin de LeChuck’s Revenge. Et le petit tour de passe-passe trouvé par Gilbert et son équipe est plutôt malin en faisant jouer la fin de l’histoire par le fils de Guybrush et un ami de celui ci, qui s’amusent à « revivre les aventures de Guybrush ».
Car si le jeu parle beaucoup de nostalgie, il fait aussi la part belle à la paternité en nous montrant un Guybrush fier de raconter à son fils une histoire inédite.
Est-ce la fin des aventures de notre pirate préféré ? Difficile de répondre de manière certaine car si d’un côté cette aventure a un goût de « fin », elle laisse des opportunités et sous-entend même dans son livre d’image que Guybrush va avoir besoin de nouvelles feuilles pour raconter ses prochaines histoires … en tout cas si une suite du même niveau venait à arriver, je serais complètement partant !
En conclusion …
Impossible pour moi de ne crier haut et fort mon amour immodéré pour la franchise en général et ce 6ème opus ne faillit pas à la règle. A peu près 6 heures de bonheur pour arriver au bout de l’histoire, en prenant le temps de faire pas mal de dialogues annexes, tout aussi inutiles qu’indispensables. S’il est un excellent jeu pour les connaisseurs, le peu de besoin de connaître les histoires précédentes fait aussi de ce Return to Monkey Island un très bon jeu pour quelqu’un qui souhaiterait découvrir la franchise sans passer par des jeux plus anciens.
Heureux ? Oh que oui !