Grand amateur de Stephen King depuis mon adolescence, j’ai dévoré un paquet de ses bouquins mais j’ai aussi vu pas mal d’adaptations de ses œuvres, pas toujours d’excellente qualité il faut le reconnaître.
Avec un écrivain aussi prolifique (plus de 65 romans et 200 nouvelles à son actif tout de même), il y a une forte probabilité d’adaptations et 2025 est une année riche entre les films déjà sortis (« Life of Chuck« , « The Monkey« ) ou qui doivent sortir bientôt (« The Running Man » par Edgar Wright) et la télévision (« The Institute« , « Ça : Bienvenue à Derry« ).
Et voilà que s’ajoute « Marche ou Crève« , l’adaptation du premier roman que King a écrit (vers 1966, même s’il n’a été publié qu’en 1979), une histoire dystopique plutôt éloignée des histoires d’horreur pour lesquelles il est le plus connu.
Est-ce que ça donne un film réussi ?
Présentation
Dans un XXème siècle alternatif, les États-Unis sont devenus un état aux mains d’un régime militaire totalitaire après une guerre dévastatrice.
Chaque année, 50 jeunes hommes, 1 par état, qui se sont portés candidats sont sélectionnés via une loterie pour participer à la Grande Marche : une épreuve qui doit inspirer le patriotisme et qui est retransmise à la télévision, filmée par les soldats qui accompagnent les marcheurs.
Le but est simple, les participants doivent marcher à une vitesse d’au moins 3 miles à l’heure (4,8 km/h) sans discontinuer. S’ils ralentissent, ils reçoivent un avertissement et doivent retrouver leur vitesse dans les 10 secondes. Un avertissement reçu disparaît après une heure de marche sans ralentir, mais après 3 avertissements, celui qui n’a pas repris la bonne vitesse est exécuté.
La Grande Marche continue, de jour comme de nuit, sans aucune pause, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul marcheur.
Le film est sorti au cinéma le 15 octobre 2025
Critique
Il faut du talent pour réussir à rendre intéressant un film dont le principe est de montrer pendant plus d’1h30 un groupe de personnages qui marchent.
Et il y a déjà du talent dans le casting réuni pour le film.
Cooper Hoffman en Ray Garraty et David Jonsson en Pete McVries sont ceux qui portent littéralement le film. Ce sont au départ les 2 personnages centraux autour desquels tournent les autres marcheurs. Si le groupe possède quelques anonymes auxquels on ne prête que peu d’attention, il y a tout de même une quinzaine de personnages qui ont droit à plus de moments où l’on se consacre à eux, parfois pour des moments sombres mais pas systématiquement.
Je ne vais pas décrire ici les autres personnages importants, je vais vous laisser les découvrir en allant voir le film, mais il faut tout de même s’arrêter sur l’autre excellente prestation du casting, avec Mark Hamill (mais si, Luke Skywalker) qui incarne Le Major, militaire qui commande et surveille cette marche, abreuvant parfois les candidats de discours patriotiques.
On peut vraiment voir cette œuvre comme un ancêtre des Battle Royal et autres Hunger Games, c’est un jeu de survie où il faut être le dernier survivant. Avec une différence fondamentale dans l’esprit par rapport aux film cités juste avant, le fait qu’à de rares exceptions, il ne s’agit pas d’une opposition entre marcheurs mais bien d’un groupe soudé qui avance ensemble, qui s’encourage, qui va parfois jusqu’à s’entraider et qui en vient régulièrement à être triste de la disparition d’un concurrent qui les rapproche pourtant de la victoire finale.
Contrairement au livre, le film fait le choix, à priori tout autant pour des raisons budgétaires qu’artistiques, d’isoler complètement les marcheurs. Pas de foule en liesse quand ils passent dans divers villes et villages, il n’y a qu’eux, souvent sur des chemins de campagne perdus, traversant des patelins isolés où l’on peut voir l’un ou l’autre habitant au loin et à la limite parfois un message d’encouragement. En dehors de ça, les marcheurs sont seuls, il n’y a qu’eux et la petite cohorte militaire chargé de les accompagner, de les ravitailler ou de les exécuter.
Le film adapte aussi un peu les règles du jeu par rapport à l’original avec un temps plus court en cas de perte de vitesse mais surtout une vitesse de marche plus réaliste de 3 miles à l’heure (un peu moins de 5 km/h) au lieu de 4 miles à l’heure, soit presque 6,5 km/h, ce qui est un sacré rythme à tenir pendant plusieurs jours et nuits.
L’épreuve ne s’arrête jamais, pas de pause toilettes, pas de pause repas (mais des gourdes et rations données tout de même) et pas de repos nocturne. C’est sans doute la seule chose pour laquelle il faut admettre un peu d’irréalisme : être capable de continuer à marcher à ce rythme en étant endormi ou presque.
On est loin des histoires plus horrifiques et fantastiques pour lesquelles King peut être connu mais ça ne veut pas dire non plus qu’on est sur un film optimiste et plein de joie de vivre. Il y a bien une forme d’horreur présente dans le récit avec les conséquences pour les uns et les autres de ce qu’ils voient et vivent, nous offrant parfois une plongée dans la folie humaine.
La musique accompagne parfaitement le récit, sachant se faire souvent assez discrète mais appuyant également les moments plus forts.
Visuellement, le film pourrait vite sembler répétitif mais on se laisse happer par les décors et les plans choisis pour nous montrer les échanges entre les personnages. Car il faut bien savoir que le film va consacrer la majeure partie de son temps à simplement nous montrer nos courageux marcheurs et leurs échanges, parfois tristes, parfois drôles, parfois profonds. Mais il y a une Il y a une vraie composition des cadres pour ces conversations, savoir qui mettre au premier plan, quoi montrer ou suggérer au second plan, etc.
Mais même si le film ne nous montre rien de spectaculaire, on ne s’ennuie pas une minute et même lorsque les choses semblent plus légères à l’écran, on se rend compte qu’on est toujours tendu à son siège, en sachant que tôt ou tard, quelque chose va se produire.
Le film a vraiment beaucoup de choses à raconter, pas seulement ce qu’il nous montre au premier plan mais aussi dans ce qu’impliquent certaines conversations, dans les aperçus qu’on a de la société dans laquelle les personnages se trouvent.
Un film riche qui vous prend aux tripes dès le départ de La Marche et qui ne vous lâche plus jusqu’à la fin.
! Attention ! Spoilers !
On est obligés tout de même de parler de la fin et surtout de la comparer à celle du livre.
L’œuvre originale se conclut avec le même trio de personnages. Mais ici, McVries meurt en premier, en s’asseyant, et c’est finalement Garraty qui remporte La Marche, après que Stebbins s’est effondré d’épuisement. Mais alors qu’il est félicité par le Major, Garraty ne fait pas attention à lui, fixant une ombre sombre et il finit par recommencer à marcher et même à courir après cette ombre, sans qu’on sache à quel point il s’agit d’une illusion de son esprit torturé par les horreurs qu’il a vécues. Une fin floue, sombre et pessimiste comme King peut les aimer.
Dans le film, on retrouve le même trio, mais Stebbins meurt en premier et tandis que McVries veut se sacrifier, Garraty le sauve et se sacrifie à son tour. McVries est le vainqueur mais il finit par faire ce que Garraty envisageait : demander une arme et abattre le Major avant de marcher dans la pluie vers les ténèbres. Une fin ambigüe pour un film qui ne l’était pas du tout jusque-là. Car s’il serait étonnant que McVries s’en sorte réellement après ce meurtre, le film se termine sur lui qui marche vers l’arrière-plan, sans réellement savoir ce qui va lui arriver.
Mais on peut voir dans cette fin un message plus optimiste que celui du livre. En abattant publiquement et en direct à la télévision le représentant public de leurs oppresseurs, il peut ouvrir la porte à un changement dans la société, peut-être même à une rébellion face à cette autorité, c’est un geste fort d’autant plus que c’est un acte qu’il a réalisé, non pas car il haïssait le Major, mais par amour, à minima fraternel, pour Ray et en sa mémoire.
Je ne trouve pas qu’une fin est mieux que l’autre, elles veulent chacune raconter quelque chose de différent au final mais je ne suis pas déçu par la fin du film.
Conclusion
Ce film est une de mes baffes de l’année.
J’espérais l’apprécier mais je ne pensais pas y être autant investi, qu’il me prenne autant à cœur et aux tripes.
Les adaptations faites par rapport au livre sont justifiées et cohérentes et permettent d’avoir un film à propos duquel j’ai du mal à trouver le moindre reproche.
C’est un immanquable de 2025 !
Double avertissement tout de même, c’est un film qui possède quelques scènes de violence graphique et frontale et sachez qu’on est loin d’un film « feel good », on n’en ressort pas vraiment avec la banane, mais c’est un film qu’on n’oublie pas.


Compte tenu des limitations imposées par le scénario, c’est un film bien réalisé, cohérent dans ses choix et pendant lequel on ne s’ennuie pas une seconde. D’accord avec toi qu’il n’y a pas vraiment de faux pas.